Voici notre rencontre avec Blandine Le Callet patiemment retranscrite pour vous :
Y-a-t-il des traces de votre vie et de vos expériences dans ce roman ? Si oui, est-ce une autobiographie ?
« Si la question est : est-ce que ce livre est autobiographique ? Il ne l’est heureusement pas, en tous cas, pas entièrement. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’éléments personnels. […] Je crois qu’on n’a pas forcément besoin de connaître la biographie d’un auteur, ce qu’il y a de biographique dans le livre, pour le comprendre et l’apprécier. C’est vrai que dans les névroses de Lila, sa peur du monde, son agoraphobie, la dimension névrotique, je pense que ça fait partie des miennes mais que je les ai extrapolées, poussées à la maladie. Pour en revenir au personnage de Lila K j’ai voulu en faire un personnage totalement extraordinaire parce que heureusement il n’y a pas beaucoup de gens qui ont vécu ce qu’elle a vécu, peu de gens sont aussi intelligents qu’elle, qui ait autant de volonté et de force de vivre qu’elle. C’est une vraie héroïne, un personnage extraordinaire d’un autre coté, je crois que sa volonté de vivre et que sa peur face au monde, celle qu’elle peut éprouver face au monde, c’est quelque chose qu’on peut tous vivre à des degrés divers par ce biais là, j’ai voulu en faire un personnage universel qui pouvait retentir dans chacun des lecteurs. »
Seriez-vous heureuse de gagner ce concours ? Que représente-t-il pour vous ?
« Un prix littéraire est toujours important. Evidemment pour un auteur, c’est un signe de reconnaissance, c’est une grande gratification. D’où qu’ils viennent, qu’ils viennent de jeunes ou de professionnels. Les auteurs sont très solitaires, ils travaillent toujours tout seuls. Comme je vous le disais, la période de création, c’est vraiment un moment de doutes donc, évidemment, lorsqu’on a la chance d’avoir une forme de reconnaissance, vous imaginez bien que. . : C’est comme vous quand vous êtes récompensés, quand vous remportez une compétition ou je ne sais quoi. C’est extrêmement gratifiant… Evidemment que c’est important. »
Avez-vous déjà remporté des Prix ?
« Oui, j’ai gagné plusieurs prix littéraires pour mon premier roman Pièce Montée. Le plus célèbre, ou le plus important a été le prix des lecteurs du livre de poche de Pièce Montée en 2008. Et puis, j’ai eu un tas d’autres prix : des prix régionaux, européens. J’en ai gagné six ou sept. J’ai eu beaucoup de chance avec Pièce Montée. Je ne sais pas ce que ce sera avec La Ballade maison verra bien. Donc oui, j’ai déjà eu des prix. »
Quel est votre personnage préféré dans La Ballade de Lila K ?
« C’est Lila. (Rire). Je vous réponds par une boutade mais évidemment que mon personnage préféré est mon héroïne. Mais j’ai apporté un soin très particulier à tous les personnages qu’elle croise sur sa route. Je crois que chacun va révéler à Lila une part de sa force et de son désire de vivre. Parmi tout cela, celui que je préfère est celui du chat. C’est celui que je préfère car je considère que c’est un personnage à part entière. Je trouve que c’est un peu comme un double de Lila et les mues successives du chat représentent les métamorphoses de Lila car non seulement elle grandit mais elle s’épanouit de plus en plus. De plus, le destin de ce chat est parallèle à celui de Lila car Pacha subit une période d’anorexie qui va le mener aux portes de la mort et on assiste à sa résurrection à la fin du roman et c’est un peu ce qu’il se passe avec le héros. »
Quel public visez-vous dans votre roman ?
« En fait quand on écrit, moi en tous cas, je ne pense pas qu’on écrive pour un type de lecteur précis. J’ai vraiment écrit un roman au sens universel ; au sens où ça touche des ados jusqu’aux adultes. Ca n’était pas pour cibler la ménagère de moins 5o ans. Ce n’est pas un livre qui est formaté pour plaire à quelqu’un en particulier. Je n’ai pas vraiment pensé à ça. J’ai surtout pensé à écrire une histoire dont le cœur est l’histoire de cette fille, de son amour pour sa mère, de sa reconstruction et puis il y a évidemment tout l’arrière plan d’anticipation qui pose des tas de question mais je ne visais pas un public particulier. »
Votre roman est-il fait pour distraire ou pour faire réfléchir le lecteur ?
« Ca n’est pas pour distraire. Ce n’est pas un roman distrayant dans le sens où ce n’est pas un roman comique. Ce qui est sûr, c’est que je n’essaie pas de donner de leçons parce que les questions qui sont posées sont des questions qui sont suscitées par le roman ; ce sont des questions très compliquées, très complexes et auxquelles il est difficile d’apporter une réponse univoque. Je pense qu’on est tous prisonniers d’une ambiguïté, vous comme moi, et les gens qui nous gouvernent. Tous, en tant que citoyens, on aspire à être protégé. On aimerait bien être dans un monde sans délinquance. On voudrait bien que l’état se préoccupe sans arrêt de notre santé. On voudrait bien vivre dans ce monde calme, propre et lisse de Lila mais, d’un autre côté, pour avoir tout ça, on comprend bien qu’il faut accepter un contrôle de plus en plus important sur nos vies et donc il faut renoncer à une part de notre libre arbitre et à une part de nos libertés individuelles. La question que pose le roman est jusqu’où on est prêt à aller dans le roman dans l’abdication de nos libertés individuelles pour avoir cette vie confortable à laquelle on aspire tous. Je crois que chacun d’entre nous a des réponses différentes à ces questions. On a tous des degrés de résistance différents. Je n’ai pas personnellement la réponse. Je ne fais que constater cette ambigüité qui existe en moi, qui existe dans la société au sein de laquelle je vis. La seule chose que je me dis, c’est : Ne risque-t-on pas d’aller trop loin et de nous transformer en un monde totalement aseptisé, totalement uniformisé ? Je pense que c’est un réel danger ; d’autant plus grand qu’on commence à avoir les moyens techniques de mettre en œuvre une surveillance très importante des citoyens, via les cartes à puce, les téléphones portables, via internet, via tout un tas de réseaux qui se sont mis en place. Si on n’est pas vigilant, (dieu merci on est en démocratie) mais si c’est tous ces moyens tombaient entre des mains d’un régime un peu plus autoritaire et voire d’une dictature, on pourrait tous être mis au pas très rapidement. La Ballade de Lila K ne donne pas de leçons mais essaye de poser des problèmes, des questions auxquelles chacun peut apporter les réponses qu’il souhaite. »
Avez-vous déjà pensé écrire une suite à ce roman ?
« Alors, en fait il n’y aura pas de suite. Je n’aime pas les lecteurs paresseux donc j’aime bien faire travailler mes lecteurs. C’est vrai qu’il y a beaucoup de zones d’ombres dans ce roman, il y a beaucoup de choses que je laisse dans l’incertitude : Qu’a fait Monsieur Kauffmann ? Les accusations portées contre lui sont elles vraies ou pas ? […] Tout ça est volontairement laissé dans l’ombre. De même que le destin de Lila : je le laisse complètement suspendu entre plusieurs destins possibles. On ne sait pas trop si elle va basculer entre le côté obscur de la force et se laisser aller et retomber dans la noirceur et ne pas s’en sortir ou va-t-elle avoir le courage de retourner à la vie ? J’ai ma petite idée là-dessus mais je me garderai bien de vous le dire. J’aime bien demander aux lecteurs autour comment ils imagineraient la fin. Entre mes amis, ma famille, mes enfants, mon éditeur, il y a plein d’interprétations différentes, et c’est cela qui me ravit car tout le monde a raison. J’ai mis suffisamment d’éléments dans le roman pour que chacun ait raison d’inventer telle ou telle fin. Non, je n’écrierai pas de suite parce que je veux laisser le lecteur imaginer la suite, fantasmer. Je crois que ça fait aussi partie de la richesse de la littérature quand on peut imaginer des tas de choses. »
Donnez-vous le manuscrit pour en obtenir un avis ?
« Alors, pendant tout le travail d’écriture j’ai eu la chance d’avoir un mari extrêmement bienveillant et sévère à la fois. Donc pour un auteur, c’est exactement le regard qu’il faut : un regard bienveillant et à la fois un regard critique parce que si vous avez en face de vous quelqu’un qui dit « T’es un génie. C’est génial ! C’est génial !» : ça ne fait pas avancer. Donc, en fait, déjà, durant tout le travail d’écriture, mon mari a reçu plusieurs étapes du roman et parfois c’était très dur, il lui arrivait de me dire « C’est à chier, je ne comprends pas. Ca n’est pas toi qui as écrit ça. » C’est dur à entendre mais heureusement qu’il y avait quelqu’un pour me le dire. Et aussi, il a été très attentif, par exemple, je me souviens pour le chapitre 2 concernant Mr Kauffmann, qu’il m’ait dit : « C’est super, c’est deux fois trop long » Il a été très critique et m’a constamment amené à plus de concision et plus de sobriété. Puis quand le roman a été terminé et, j’allais dire, agréé par mon premier critique et mon premier lecteur qui est mon mari ; je me suis dit qu’il nous fallait un regard extérieur à notre couple. J’ai deux amies universitaires qui sont grandes lectrices, en qui j’ai confiance et qui ont aussi cette franchise à mon égard et à qui j’avais laissé mon premier manuscrit de Pièce Montée, donc j’ai fait ça aussi, je leur ai montré. Le retour a été très favorable. Il y a eu quelques ajustements. Par exemple, une amie qui m’a dit « Pour le début, tu devrais commencer par quelque chose de plus fort, c’est un peu trop chronologique le premier chapitre. » C’est pour cela, que j’ai décidé de sortir la scène où Lila est arrachée à sa mère. Elle était insérée dans le chapitre 1 et je l’ai mise comme prologue pour faire une scène très violente, une scène coup-de-poing, qui cueille violemment le lecteur. Ça, je l’ai fait sur le conseil de mon amie. Puis, la quatrième personne à qui j’ai fait lire le roman, ça a été ma fille de 13 ans. Ca m’importait vraiment de voir la réaction d’une jeune adolescente. Elle a lu le roman en deux jours. Elle a pleuré. Elle a vibré, elle a ressenti avec intensité, toutes les émotions que je voulais suggérer. A la fin, elle est venue me serrer dans ses bras en me remerciant. C’était un moment vraiment émouvant pour moi. Je me suis dit, si ça marche comme ça avec une enfant de 13 ans, ça veut dire que même si Jean-Marc Roberts déteste ce roman, je trouverai quelqu’un avec qui le publier. Le regard d’une adolescente était aussi important qu’un regard d’adulte. »
En combien de temps avez-vous écrit La Ballade de Lila K ?
« J’ai mis deux ans pour écrire ce livre, j’ai commencé en février 2008 et je l’ai achevé en février 2010 ça a été un projet assez lourd pour moi. J’ai mon travail, mes enfants, tous les moments que je pouvais consacrer à l’écriture du livre, je les prenais. J’écrivais la nuit, les week-ends, les soirées... C’est vrai que ça a été un travail assez long. J’ai vraiment vécu avec les personnages pendant deux ans, j’étais complètement obsédée, et jusqu’au dernier moment je n’ai pas été sûr de le finir. »
Comment avez-vous écrit ce livre ?
« Je n’ai pas de rituel d’écriture très précis ni de moment précis, j’écris une grande partie du temps à l’ordinateur et comme j’aime bien travailler aussi sur papier: j’imprime ce que j’ai écrit à l’ordinateur et je rature sur papier. Je rentre les corrections dans l’ordinateur et je réimprime. J’ai donc chez moi beaucoup d’étapes successives du roman. J’écris de façon un peu chaotique, j’écris sur tous les supports que je trouve, par exemple sur une nappe en papier. »
Comment vous vient l’inspiration ? Comment vous est venue l’idée d’écrire Lila K ?
« C’est extrêmement mystérieux, ce qui est sûr par exemple pour la Ballade de Lila K. Je me suis inspirée d’un fait divers des années 80 qui avait beaucoup marqué la France. C’était un petit garçon qu’on avait découvert enfermé dans un placard par sa mère. Ce qui m’avait frappé, c’était le visage de la mère qui avait été publié dans les journaux. Elle était vraiment très belle ; une belle femme blonde, on ne se serait jamais imaginé qu’elle aurait été capable de faire une chose pareille et, des années plus tard, j’étais encore traumatisée : j’avais 9- 10 ans à l’époque. Quelques années plus tard, j’avais lu dans la presse une interview du jeune garçon, qui revenait sur son expérience (il était adolescent) et qui parlait avec intelligence et une telle lucidité ! D’ailleurs on sentait qu’il s’était reconstruit. Et il parlait de sa mère avec énormément d’amour et ça aussi ça m’a beaucoup, beaucoup frappé. C’est de ce personnage là, d’enfant martyr, qu’est partie l’inspiration de La Ballade de Lila K et après évidemment le projet a évolué.»
Comment avez-vous choisi votre éditeur ?
« Et bien, en fait, mon éditeur, je l’ai choisi un peu par hasard. Pour mon premier roman, Pièce montée, je ne connaissais absolument personne dans le métier de l’édition et je me demandais bien comment j’allais faire et pile cette semaine […] il y avait un numéro spécial de Lire qui s’intitulait « Comment se faire éditer ? » donc je me suis dit que j’avais une bonne étoile et je suis allée acheter le numéro. Il y avait un article sur Jean-Marc Roberts qui était directeur éditorial chez Stock et il parlait de la façon d’exercer son métier, notamment le fait qu’il ouvrait lui-même tous les manuscrits, tous les matins, qu’il les lisait et que c’est lui qui décidait de la publication ou pas. Et je me suis dit que j’aimais la façon dont cet homme parlait de son métier. Donc, en fait, je suis allée déposer mon manuscrit chez trois éditeurs parisiens et le quatrième c’était Jean-Marc Roberts. Il m’est arrivé une chose vraiment extraordinaire : j’ai déposé le manuscrit en fin de matinée vers 11h sur une très, très grande pile de manuscrits déjà amenés pour Jean-Marc Roberts en me disant que j’aurai une lettre de refus dans deux mois. Quand je suis revenue le soir chez moi, il y avait ma belle mère qui gardait les enfants, qui m’a dit qu’un monsieur m’avait téléphoné et qui voulait me parler. Il n’avait pas laissé de message mais il allait sans doute me joindre sur mon portable. Je me suis dit qu’il n’y avait que quatre personnes qui avaient mon numéro de portable, je me suis demandé qui cela pouvait bien être. J’ai dit à ma belle mère ‘si ça se trouve c’est un éditeur qui me rappelle’. Elle m’a répondu ‘Ah Blandine, tu sais, je ne voudrais pas te faire de peine mais tu sais, tu es en train de te construire des châteaux en Espagne. Ca n’est sûrement pas un éditeur qui te rappelle.’ Au moment où elle allait passer la porte, la téléphone a sonné et c’était Jean-Marc Roberts qui m’appelait pour me dire ‘Votre livre est formidable, je veux vous rencontrer.’ Donc j’ai choisi mon éditeur un peu par hasard. J’ai été guidée vers lui, c’est un vrai cadeau de la vie. Les choses se sont faites tout de suite. »
Avez-vous déjà songé à arrêter l'écriture du roman ? Si oui, pourquoi ?
« Alors oui, il y a vraiment eu des moments de doute. Et en fait, l’écriture c’est à la fois un gros effort intellectuel et c’est physique aussi… une vraie fatigue physique. Plusieurs fois, j’ai failli renoncer. J’ai failli renoncer une première fois lorsque je me suis rendu compte que ce livre que j’avais prévu très court était devenu beaucoup, beaucoup plus ambitieux, beaucoup plus ample que ce que j’avais prévu initialement. Je me suis dit qu’il vaudrait mieux que je me lance dans un petit recueil de nouvelles qui n’allait pas trop me fatiguer, que je savais faire. A plusieurs moments, ce n’était pas que j’étais dépressive mais…fortement découragée. J’étais pleine de doutes et je disais que je n’y arriverais jamais. Oui, deux, trois fois j’ai failli abandonner et donc à chaque fois je me suis dit que ce serait trop bête. Finalement, j’ai réussi, ça a été une véritable épreuve, une vraie lutte contre moi-même, une vraie épreuve de force ce livre ! »
D’où vous est venue l’idée du titre ?
« Alors en fait, jusqu’au bout je n’ai pas su comment le livre allait s’appeler. Je savais qu’il y aurait Lila ou Lila K dans le titre mais je n’avais pas du tout choisi définitivement. Je me suis dit que je verrai ça plus tard, qu’il fallait d’abord que je termine déjà le roman. Et puis le terme de « Ballade » m’est venu très vite à l’esprit parce que le terme de « Ballade », c’est une sorte de grand poème ample et je trouvais que ça correspondait très bien à l’histoire de Lila qui est quand même une héroïne que je mène d’une petite enfance fracassée à une jeune femme qui commence à s’épanouir. Ca me rappelait La Ballade des dames du temps jadis et La Ballade du Ramayana. Je trouvais que c’était simplement joli à entendre, donc EVIDEMMENT La Ballade de Lila K ! Et évidemment vous l’aurez compris : il y avait ce jeu de mot entre ‘ballade’ et ‘balade’. La promenade, le fait de marcher, de s’approprier la ville et l’espace est un élément important du roman puisque Lila, au début, c’est un personnage qui vit dans la claustration, qui ne supporte pas le contact avec le monde et petit à petit elle va apprivoiser la ville, en marchant, en allant toujours plus loin et même jusqu’à oser aller franchir la frontière pour aller dans la zone où l’enquête sur sa mère va la mener. J’aimais le double sens qu’il y avait dans le titre mais ça a failli de ne pas s’appeler comme ça. Lorsque j’ai adressé mon manuscrit à Jean-Marc Roberts, il était enthousiasmé par le livre mais il m’a dit « il n’y vraiment qu’une chose, c’est ce titre. Je déteste ce titre. On ne peut vraiment pas garder ce titre » Alors j’étais évidemment déconcertée car je trouvais que le titre était très, très bien. Connaissant Jean-Marc, je me suis dit que je n’allais pas l’affronter directement mais que j’allais laisser faire et donc je lui ai dit : « Et bien, vas-y Jean-Marc, trouve moi un autre titre vu que tu es très doué pour trouver des titres. » Jean-Marc aime beaucoup trouver des titres pour les auteurs, ça lui arrive fréquemment d’inspirer des titres d’auteurs qu’il publie chez Stock et même parfois de le choisir avec, bien sûr, l’accord de l’auteur. Donc j’ai dit à Jean-Marc : « vas-y trouve moi un titre. Si tu trouves mieux, je prends » et donc Jean-Marc a commencé à m’adresser des listes de titres complètement délirants et à chercher comme un fou. Il voulait appeler son ami, Alain Souchon pour le faire travailler sur le titre. Je lui ai dit « Jean-Marc, calme toi, on va rester tranquillement entre nous. » Et j’ai fini par lui dire « Ecoute, Jean-Marc, fais le test auprès de gens que tu connais, des membres de jury, de la famille, des journalistes, des amis, des écrivains. Tu parles du titre tout simplement, sans dire que c’est moi, sans parler du roman. Tu fais juste le test. » Il l’a fait avec honnêteté et il m’a dit « Ecoute, il y a une grande majorité des gens qui trouve que le titre est beau, intrigant » Je lui ai répondu « Ecoute Jean-Marc, gardons ça en option, et puis si tu as un coup de génie au dernier moment. » Donc, on en était là jusqu’au jour où je reçois un coup de fil de Jean-Marc très exalté «J’ai compris » « Oui, quoi donc ? » « J’ai compris le titre ! La Ballade : B, Blandine. L :Le. K :Callet. Tu t’es mise dans le titre du roman» « Ah Jean-Marc, tu as compris! » En fait je n’avais pas du tout pensé à ça. Je lui ai laissé comprendre qu’il avait tout compris et il m’a dit qu’on gardait le titre, c’était le titre de mon roman. Rétrospectivement, quand j’ai réfléchi, je me suis dit que ça n’était sans doute pas le fait du hasard : qu’il y avait sans doute un travail inconscient qui s’était exercé quand j’ai choisi le titre du roman. Sans doute qu’il avait raison, que je m’étais mise dans le titre de l’histoire. Bref, voilà toute l’histoire, l’épopée de ce titre de La Ballade de Lila K. »
Pourquoi avez-vous écrit une histoire si pessimiste ?
« C’est vrai que l’univers de La Ballade de Lila K est assez sombre mais je ne suis pas totalement d’accord avec vous pour dire qu’il est totalement sombre. C'est-à-dire que récemment j’ai rencontré un monsieur et il m’a parlé, à propos de mon livre, de ‘’noirceur multicolore’’ et je crois que c’est ça. C’est un livre où il y a des tâches de lumière, des tâches d’optimisme. Notamment, c’est un livre sur le fait que les choses peuvent surgir alors qu’on ne s’y attendait pas. C’est arrivé avec ce chat, ce pacha, qui était programmé pour avoir un certain destin et qui finalement arrive à avoir des petits, à vivre sa vie dans la zone. Ca arrive aussi pour Lila qui était une enfant fracassée, qui était programmée pour avoir un destin totalement brisé et qui, miraculeusement, a un destin auquel finalement rien ne la prédestinait. C’est la même chose aussi sur le plan politique : on a un système intra-muros qui est extrêmement cadenassé, extrêmement verrouillé et on a l’impression que jamais on ne pourra sortir de ce système. Ce que je montre à la fin de ce roman, c’est qu’il y a quand même des failles, qu’il y a des gens qui résistent, ne serait-ce que le système de vidéosurveillance : Lila a dit qu’évidemment on ne peut pas surveiller tout. S’il y a des caméras partout, il faut bien qu’il y ait des gens derrière les caméras et qui surveillent les gens qui sont derrière les caméras ? Donc, en fait, c’est un système qui est condamné à son propre échec quelque part, il y aura forcement des failles dans le système. Je comprends qu’on puisse trouver ce livre pessimiste parce que c’est un livre sombre mais ce n’est pas du tout un livre désespéré. C’est un livre qui dit : l’inattendu peut toujours surgir et un système aussi fermé, verrouillé mis un place intra-muros ne peut sûrement pas vivre, survivre, perdurer très longtemps. Et de fait, quand on quitte Lila k, il y a des gens qui commence à vouloir vivre de l’autre côté de ce monde, ça n’est pas sûr mais c’est possible. »
Avez-vous déjà pensé à une fin différente de celle-ci ?
« Alors non, je n’ai pas du tout pensé à une autre fin parce que lorsque j’ai commencé le roman, je savais exactement comment ça allait finir et donc je n’ai jamais envisagé autre chose. »
D’où vient la chanson présente dans le roman ?
« J’ai choisi cette chanson, d’abord parce que c’est une chanson que j’aime beaucoup, que je trouve très belle. C’est une chanson qui parle, c’est une chanson d’esclaves noirs. C’est une berceuse pour l’endormir, c’est le rêve d’un monde où le père et la mère sont protecteurs, sont doux, sont riches. C’est une sorte d’image idyllique des parents qui est confrontée à une image misérable ; alors évidemment ça collait parfaitement avec le rapport qu’entretien Lila avec sa mère qui lui chante une chanson sur une mère élégante et un papa riche alors qu’évidemment Lila vit une réalité toute différente. J’aimais la douceur de cette chanson qui contrastait avec l’horreur de ce qu’avait pu vivre Lila. Je trouvais très beau que ce soit le souvenir de cette chanson que conservait Lila au-delà de tout ce que sa mère avait pu lui faire vivre. C’était le souvenir de la voix de sa mère et de cette chanson douce que conservait Lila. Je trouvais que ça créait un contraste qui était évidemment poignant par rapport à l’histoire du personnage. »
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